Tumeurs conjonctivales

Les tumeurs de la conjonctive sont des tumeurs fréquentes et très variées. Une tumeur conjonctivale découverte chez le jeune enfant ou l’adolescent est en général une tumeur bénigne. Elle n’est enlevée qu’en cas de gêne fonctionnelle, esthétique ou d’évolutivité importante. Chez l’adulte, au moindre doute clinique ou évolutif, il faut savoir intervenir pour réaliser une biopsie–exérèse totale et obtenir un diagnostic histologique précis. L’objectif est d’éliminer une lésion précancéreuse ou cancéreuse dont le pronostic impose une prise en charge adaptée rapide. Il est souvent préférable avant toute intervention, même de type biopsique, d’adresser le patient dans un service compétent en onco-ophtalmologie où est réalisée la prise en charge thérapeutique la plus adéquate.

Nahon-Estève S, Maschi C, Caujolle JP. Arbres décisionnels de la conduite à tenir devant une tumeur de la conjonctive. EMC - Ophtalmologie 2024;0(0):1-6 [Article 21-150-A-14].

Concernant l’exérèse d’une tumeur conjonctivale, rappelons tout de même la technique « no touch », technique chirurgicale de référence pour l’exérèse d’une tumeur conjonctivale maligne (ou supposée l’être). Cette chirurgie s’effectue sous anesthésie générale, car la diffusion de produits anesthésiques sous la conjonctive (anesthésie locale) modifie l’architecture conjonctivale et peut être source de dissémination des cellules tumorales. L'anesthésie topique ou péribulbaire peut éventuellement être envisagée en cas de petites tumeurs limitées au voisinage du limbe.

Les principes de la technique « no touch » sont les suivants :

  • cautérisation des vaisseaux nourriciers ;
  • éviter toute manipulation directe de la tumeur pour ne pas disséminer de cellules tumorales à distance ;
  • utilisation d'alcool absolu pour décoller l'épithélium cornéen ;
  • exérèse en bloc de la tumeur avec des marges latérales saines de quelques millimètres ;
  • changements d'instruments pour la reconstruction.

La reconstruction du défect obtenu dépendra de la localisation primitive tumorale (bulbaire ou non bulbaire) et privilégiera la fermeture directe par glissement de la conjonctive adjacente, avec suture des berges idéalement au centre du lit d'exérèse tumorale. On minimise ainsi le risque de dissémination tumorale en cas de récidive et on limite ultérieurement la taille du champ d’irradiation en cas de radiothérapie adjuvante. Enfin, la cicatrisation plus rapide permet une mise en œuvre d’éventuels traitements adjuvants plus rapide (à partir de 14 jours de la chirurgie contre 1 mois en cas de greffe). Lorsque la zone d’exérèse est étendue, la reconstruction sera assurée par une greffe de membrane amniotique.

Nahon-Estève S, Maschi C, Caujolle JP, Lassalle S. Tumeurs conjonctivales malignes. EMC – Ophtalmologie 2024;0(0):1-19 [Article 21-150-A-12].

Utilisation des greffes de membranes amniotiques :

Lors de l’impossibilité d’effectuer des lambeaux de glissement, notamment pour les tumeurs de grande taille, on utilise généralement une greffe de membrane amniotique pour recouvrir le défect obtenu par la résection tumorale. L’utilisation d’autogreffe conjonctivale, sur l’oeil atteint ou l’oeil adelphe, est à éviter car susceptible de compliquer la prise en charge ultérieure immédiate ou à long terme de ces tumeurs, notamment en cas de récidive. Historiquement, la greffe de membrane amniotique se faisait en utilisant des membranes cryoconservées, qui ont l’avantage de pouvoir être utilisées pour la reconstruction de grande surface, mais se posent les problèmes de son stockage et de sa conservation. De plus elle oblige à anticiper son utilisation et reste de manipulation délicate.

Les premières greffes amniotiques lyophilisés simples ont apporté leur facilité de stockage, de conservation et de disponibilité, mais leur finesse n’était pas assez satisfaisante pour leur manipulation et l’obtention d’une néoconjonctive d’épaisseur suffisante. Ces préparations tissulaires de membranes amniotiques sont utilisées pour la reconstruction de la surface de la cornée ou de la conjonctive. L’apparition de nouvelles membranes amniotiques lyophilisées épaisses est venue atténuer ces inconvénients. Celles-ci comportent une troisième couche spongieuse créant un apport en épaisseur qui renforce la solidité du matériau et facilite ainsi les manipulations. Cette troisième couche est constituée de protéoglycanes et collagène lâche qui peuvent avoir un impact sur la régénération des tissus conjonctifs et sur une cicatrisation potentiellement plus efficace résistant aux éventuels traitements complémentaires tels que la chimiothérapie locale et la radiothérapie.

La greffe doit être fixée au limbe et suturée aux berges de résection par des points séparés au fil tressé résorbable 7/0 ou 8/0. Pour éviter les problèmes de lâchages de sutures et de rétraction du greffon, notamment pour les tumeurs envahissant le limbe cornéen et la cornée plus généralement, il est souvent préférable de recouvrir une partie de la cornée en pont en mettant une lentille pansement le temps de la cicatrisation.

Technique de pose

Pour faciliter sa manipulation, on recommande de poser une membrane amniotique lyophilisée Visio Amtrix® spongieuse en inlay sur le défect conjonctival déshydraté au préalable, en procédant à la taille du greffon avant ou après sa pose. Ensuite, on peut commencer la réaliser la suture par point séparés à la conjonctive saine restée en place, éventuellement après l’avoir désinsérée de l’épisclère pour faciliter sa mobilisation. Les sutures sont réalisées avec du fil tressé résorbable 7/0 ou 8/0 et on sera vigilant au niveau des attaches limbiques du greffon qui seront les plus à risque de désinsertion, du fait du frottement tarsal contre la surface oculaire. En cas de large espace entre les deux points limbiques, on peut laisser un débord du greffon sur la cornée qu’on recouvrira par une lentille pansement pendant au moins 7 jours, plus généralement 14 jours (après renouvellement de la lentille).
L’utilisation de colle, même biologique, dans un contexte de tumeur conjonctivale, est à éviter. Elle peut retarder l’inclusion de la membrane amniotique dans le tissu résiduel et en cas de tumeur envahissant le chorion, on ne connait pas son effet au contact de cellules tumorales résiduelles, notamment en cas de résection microscopique incomplète (exérèse R1).

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